Côte d’Ivoire: La presse, grand corps malade

par NORDSUD
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Journaux ivoiriens

L’information comme bien public. C’est le thème de cette 28ème journée mondiale de la liberté de la presse célébrée ce 3 mai 2021. En Côte d’Ivoire, plus qu’une célébration, ce jour met en lumière les difficultés des travailleurs de ce secteur

«Diagnostics exécrables». C’est, en deux mots, le terrible bilan que Lassane Zohoré, président du Groupement des éditeurs de Presse de Côte d’Ivoire (Gepci) fait du climat des médias dans le pays.

Méventes, fausses informations, manque de professionnalisme, absence de véritable plan de relance, arriérés de salaires, désaccords, etc. sont autant de maux qui minent le milieu depuis des années.

À l’occasion de cette journée mondiale de la presse, les acteurs tirent la sonnette d’alarme, peut-être une ultime fois.

Le déclin de la presse papier« 

«La presse papier connaît déjà un déclin depuis un certain nombre d’années. Avec la Covid-19, la situation s’est aggravée», dépeint Lassane Zohoré. Le désamour avec la population ?  «Quel désamour ?», s’interroge le directeur général Gbich éditions.

Et M. Zohoré d’expliquer : «Le professionnalisme des acteurs de la presse n’est pas la question ici. On nous dit que les gens ne lisent pas, mais cela n’a rien à voir avec le travail de la presse. Il y a un organe de régulation qui est là pour réguler le secteur. Je veux parler de l’Autorité nationale de la presse (ANP)».  

C’est clair, note-il, au stade où la presse en est, il faut une bouée de sauvetage, sinon elle coulera, à coup sûr. «Si l’Etat ne nous aide pas, nous allons simplement mourir de notre belle mort», tranche-t-il.

8 milliards pour sauver la presse

Il n’est pas le seul à faire ce difficile diagnostic. Jean-Claude Coulibaly, le président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (Unjci), parle de prise de conscience, non au niveau des médias, mais de l’Etat. «Nous n’avons pas arrêté de faire du lobbying auprès de l’Etat afin qu’il accorde 0,01% de son budget à la presse. Ce qui fait environ 8 milliards FCFA.

C’est le seul plan viable pour la presse», explique Jean-Claude Coulibaly, alias JC. Le président de l’Unjci estime qu’il n’y a pas lieu de tergiverser, car la situation est grave. «Si l’Etat donne des subventions aux partis politiques, il peut bien en donner aux organes de presse, qui sont nécessaires pour la démocratie dans un pays», insiste JC.

Assainissement de la presse

Mais, l’Etat étant l’Etat, il apparaît clairement que ce sera aux acteurs de cravacher dur pour sauver la presse menacée, entre autres, par les réseaux sociaux. Le foisonnement de la presse en ligne n’est surtout pas fait pour arranger les choses. Il faut trier, faire attention aux rumeurs, savoir distinguer le fourbe du bon journaliste. Un casse-tête chinois auquel s’adonne le Réseau des professionnels de la presse en ligne de Côte d’Ivoire (Repprelci), dirigé par Lassina Sermé.

«Nous travaillons depuis longtemps à l’assainissement du milieu de la presse numérique. Et cela passe nécessairement par la régulation. Nous avons mis en place lObservatoire des médias numériques de Côte d’Ivoire (Omenci), qui produit des rapports sur la presse numérique. Le rapport du mois d’avril sortira bientôt. Il s’agit de souligner les fautes commises dans le milieu, d’appeler au professionnalisme», énumère Lassina Sermé.

Ce n’est pas tout, le président du Repprelci annonce la «labélisation» de la presse numérique. «Nous allons bientôt attribuer des couleurs aux sites d’informations selon leur crédibilité et leur ancienneté. La couleur jaune, par exemple, désignera les organes débutants», fait-il savoir.

Subventions

Mais, assainir ne suffira pas à sauver le milieu, dit-il. «Il faut un appui de l’Etat pour sauver la presse numérique. Nous travaillons pour que la nouvelle loi de 2017 sur la presse qui prend en compte la presse en ligne, soit appliquée afin que ce secteur bénéficie de subventions».

Le Repprelci attend un décret d’application de cette loi. La bonne nouvelle, selon Lassina Sermé, c’est que le nouveau ministre de la Communication s’est engagé à ce que cela puisse aboutir. Pour Lassane Zohoré, soit on la fait à leur manière, en octroyant la subvention, soit les Ivoiriens vivront bientôt dans un pays de rumeurs.

Raphaël Tanoh

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