Présidentielle 2020, un an après : Situer les responsabilités

par NORDSUD
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85 morts. 484 blessés.

De nombreux dégâts matériels. Des destructions de biens qui bien souvent ont ruiné le patrimoine et les activités et la vie de citoyens moyens.

C’est le bilan officiel des violences consécutives au mot d’ordre de boycott actif et de désobéissance civile lancé par l’opposition significative pendant la présidentielle du 31 octobre 2020, il y a exactement un an.

Ce bilan est celui dressé par le conseil des ministres du 11 novembre 2020. En attendant le rapport d’enquête détaillé dont le chef de l’Etat a annoncé la publication prochaine et qui situera précisément les responsabilités sur ces événements d’une extrême gravité pour notre démocratie.

Ce rapport est essentiel et particulièrement attendu. Car il nous faut enfin documenter la mémoire.

85 morts et 484 blessés.

Et depuis, il s’en est passé des choses : Alassane Ouattara a été élu à 94,3% des suffrages par plus de trois millions de nos concitoyens. Après ces tumultes, le chef de l’Etat a rencontré tous ses opposants : Henri Konan Bédié le 11 novembre ; Laurent Gbagbo le 27 juillet ; et Affi N’guessan le 28 octobre 2021.

L’opposition, sans aucun changement majeur sur sa plateforme de revendication de 2020, a participé aux élections législatives du 6 mars dernier. Elle a gagné des sièges de députés, formé des groupes au Parlement et positionné des membres comme vice-président de l’institution.

Laurent Gbagbo est rentré en Côte d’Ivoire le 17 juin; il est allé partout et a dit ce qu’il voulait sur toutes sortes de tribunes. Il a même quitté le FPI et créé un nouveau parti.

La Côte d’Ivoire est redevenue calme. Ses politiciens ont déjà oublié les élections de 2020. Au point qu’ils ont ouvert, par anticipation, une nouvelle campagne: celle de la présidentielle de 2025.

Pour autant. Les 85 de nos concitoyens morts et les 484 blessés ne doivent pas l’être pour rien.

Ce qui s’est passé en 2020 est la preuve que notre pays ne s’est pas encore définitivement débarrassé de ses démons. Le champ politique est toujours potentiellement violent. Et nos hommes politiques par leurs comportements continuent de mettre à mal la cohésion sociale.

Ce qui s’est passé en 2020 est l’exacte réplique du psychodrame de 2010. Tout cela arrive pour les mêmes raisons: Le refus d’une partie de la classe politique – toujours les mêmes – de se soumettre aux règles du jeu démocratique.

Ces règles du jeu ont pourtant été clairement et consensuellement définies par tous les acteurs au cours de la longue transition de huit ans (2002 à 2010) que nous avons vécue pendant la rébellion.

Le problème de notre pays ne réside plus dans la qualité des institutions. Encore moins dans la qualité de la loi fut-elle constitutionnelle.

Les institutions, les textes, comme la démocratie, sous tous les cieux sont une construction permanente, en adaptation constante. Pour exemple : La démocratie américaine a 245 ans. Cela n’a pas suffi à empêcher Donald Trump de commanditer, le 6 janvier 2021, un assaut violent contre le siège du Parlement à Washington, par ses partisans. Et ce, pour contester le résultat de l’élection présidentielle américaine qui donne Joe Biden gagnant.

Les institutions américaines sont pourtant réputées solides. Alors quelles différences finalement y a-t-il entre le Laurent Gbagbo de 2011 et le Donald Trump de 2021 ? Je n’en vois aucune.

Ce qu’il nous paraît pertinent de regarder, c’est le rapport que nos politiciens ont avec les principes de la République. Être républicain en définitive serait d’accepter les lois, les constitutions et les institutions dont nous nous dotons nous-mêmes. Accepter leurs sentences. Les accepter en l’état, jusqu’à ce que nous soyons capables d’en changer le fonctionnement de manière légal, légitime, démocratique et pacifique.

Nos politiciens doivent donc changer de posture. La paix durable, la pacification du champ politique. Voilà ce que doit être leur credo, leur combat et même leur religion.

Depuis 40 ans, ce sont les mêmes acteurs qui animent la scène politique. Et nous avons tous, tout expérimenté : Des faux et des vrais complots, des révoltes populaires, des coups d’Etat militaires, des rebellions, des affrontements aux allures de guerre civile, des confrontations inter communautaires… Nous sommes passés par tous les états.

Aujourd’hui, les Ivoiriens veulent la paix. Ils ont résolument décidé de faire la paix. Et dans les chaumières, nos concitoyens vivent en paix.

Seuls les hommes politiques ont encore et toujours leurs couteaux entre les dents. Pour nous inscrire dans un cycle mortifère sans fin.

La Côte d’Ivoire ne rompra pas avec ses démons tant que nous n’inscrirons pas nos blessures dans la mémoire collective.

C’est à cette fin que le rapport détaillé d’enquête sur ces évènements douloureux annoncé par le Président Ouattara est impératif. Le travail mémoriel est indispensable pour situer les responsabilités exactes des uns et des autres.

Ce rapport viendra éclairer le dialogue politique déjà engagé entre les trois acteurs majeurs de la vie politique.

Il permettra aussi, nous l’espérons, d’ouvrir un chantier : Ecrire notre histoire pour rasséréner l’avenir.  

Méité Sindou

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