Lancé le 20 septembre dernier par l’opposition, l’appel à la désobéissance civile a déjà fait plusieurs victimes. Depuis la proclamation officielle des résultats de l’élection présidentielle, le mouvement a pâli. N’ayant plus grand-chose à revendiquer, la désobéissance civile ne draine qu’une poignée de personnes. Et la lutte frise beaucoup plus l’absurde.
Après plusieurs bus calcinés, des gbakas (ndlr, véhicules de transport en commun) incendiés et des routes bloquées, les violences pré et postélectorales semblent s’être tassées. Derniers faits majeurs en date, la paralysie de l’autoroute du nord, le 9 novembre derniers par des obstacles de différentes natures. Le 16 novembre, quelques villes de l’intérieur du pays ont fait l’objet de légères échauffourées. Si la désobéissance civile avait une certaine adhésion dans ses débuts, il faut dire qu’elle s’étiole, telle une flamme en manque de combustibles.
L’objectif était de faire obstacle à la tenue de l’élection présidentielle, et surtout à la candidature du président de la République, Alassane Ouattara. Mais les élections se sont tenues. Alassane Ouattara a été réélu avec un score «stalinien» comme le diraient certains. Si beaucoup avaient de la réserve quant à la légitimité du vote, le taux de participation et la caution apportée par la communauté internationale, semblent avoir définitivement clos le débat.
Le parquet
Or, c’était la véritable raison d’être de la désobéissance civile : empêcher cela. Avec ces nouveaux éléments, beaucoup au sein de l’opposition ont décidé de reconsidérer les faits et de prendre du recul. Ceux de la ligne dure, qui ont poussé le bouchon un peu plus loin, se sont heurtés à la loi. Le Parquet a tapé du poing sur la table : finies, les excuses constitutionnalistes !
Depuis la proclamation des résultats de l’élection, le procureur de la République ne donne pas de répit aux présumés fauteurs de troubles. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes. Que ce soit la gendarmerie ou la police, les limiers de l’Etat sont à pied d’œuvre. Certains font même un travail d’infiltration. Ce sont des ninjas. Cette rigueur de la loi est venue mettre fin à une forme de récréation qui régnait dans l’arène politique. Avec l’étau qui se resserre, pour les leaders de l’opposition, c’est l’heure des vrais questionnements : que faut-il revendiquer à présent, si revendication il y a ? Comment sortir de ce guet-apens politique, la tête haute ?
Symbole
Hélas, ce qui inquiète le plus, c’est la petite frange de la population qui s’est embarquée dans cette lutte ambigüe. Parmi eux, il faut compter sur les jusqu’au-boutistes.
Pour ces personnes, la désobéissance civile continue, bien que dénuée de tout sens et de tout symbole. Désillusionnés, il n’est pas question pour certains de retourner à la monotonie du train-train quotidien, la queue entre les jambes. Parce qu’il se sont trop engagés, trop affichés.
Mais la guerre est perdue. Et toute la question est de savoir à quel moment on abandonne, puisque le résultat sera toujours le même. Peut-être que les leaders politiques parviendront à marchander leur survie dans le jeu politique, mais pour eux, les anonymes, il n’y aura pas d’issue favorable. Ceux qui ont décidé de boycotter le travail, de barricader les voies, de brûler des pneus sur le macadam ou de s’en prendre aux bus, sont de plus en plus isolés. C’est un combat qui ne fédère plus, dans un contexte où la vie reprend inéluctablement son cours normal.
Dénonciations
Avec les dénonciations, les enquêtes ouvertes, soit on finit par se faire avoir par la loi, ou bien, ce sont les réalités du quotidien qui frappent à la porte. Ces réalités, ce sont les charges familiales, les factures, le loyer. Elles n’ont aucune coloration politique. On est toujours seul à les supporter. Les plus malchanceux pourraient perdre leur emploi, dans ces circonstances, et condamner ceux qu’ils aiment.
Parfois, il faut simplement savoir reconnaître sa défaite. S’il existe encore une lutte à mener dans l’arène politique, ce n’est probablement pas par la désobéissance civile qu’elle aboutira. L’opposition l’a compris. Et c’est aux derniers récalcitrants de le comprendre.
Raphaël Tanoh