Dans cette interview, Dr Ametchi Kouassi Jean-Olivier, gynécologue-obstétricien, appelle les femmes à fréquenter les hôpitaux pour sauver de nombreuses vies.
À quel moment une femme doit-elle recourir au cerclage ?
Il y a deux moments. On le fait en cas de béance du col de l’utérus. Dans ce cas, la femme a un col qui est pratiquement ouvert. Chaque fois qu’elle prend une grossesse, elle la perd. On fait alors un cerclage pour fermer le col. On parle de cerclage prophylactique. Chez certaines patientes, cependant, le col est fermé. Mais, elles perdent leur grossesse après quelques mois. Dans ce cas, le médecin qui les reçoit doit les sensibiliser pour faire un cerclage de sécurité, malgré le fait que le col soit fermé.
Comment mettre justement une femme en garde contre les dangers d’un col de l’utérus défectueux ?
Elle doit être prévenue lors de la consultation. La béance ou le col ouvert peut se constater au cours d’un examens gynécologiques. Cela peut être également constaté chez une dame qui, dans ses antécédents, a perdu deux ou trois grossesses. En général, ce sont des grossesses qui se perdent de façon progressive: deux mois, puis trois mois, etc. Alors, vous lui faites un cerclage prophylactique, pour éviter que la grossesse tombe.
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Qu’en est-il pour le col fermé ?
Dans ce cas, vous constaterez à l’examen que le col est fermé. Mais au vu des antécédents de la patiente, on se doit de la prévenir, en l’amenant à faire un cerclage de sécurité. Normalement, cela ne peut pas échapper à un médecin qui a de l’expérience.
Et si la patiente en est à sa première grossesse, avec un col fermé défectueux ?
Hélas, dans ce cas, on ne peut pas le savoir. Il faudrait d’abord qu’elle ait un antécédent.
Les cas de col de l’utérus défectueux sont-ils fréquents chez les femmes ?
Les femmes qui sont dans ce cas ne sont pas nombreuses. Mais cela reste un problème que beaucoup parmi elles n’appréhendent pas à temps.
Qu’est-ce qui peut entraîner chez une femme la béance du col, ou même le col fermé mais qui laisse tomber des bébés ?
La première cause incriminée, ce sont les avortements clandestins, c’est-à-dire, les interruptions volontaires de grossesses (IVG). Plusieurs fois faites, les IVG peuvent entraîner des cols béants. Vous avez aussi les femmes qui naissent avec le col béant. C’est congénital. Mais il y a une troisième cause : l’infection du col de l’utérus, encore appelée la cervicite, qui peut fragiliser le col.
Quelle est la période à laquelle le cerclage doit être fait pour la femme enceinte ?
Pendant la période de risque, à partir de 3 mois de grossesse. La femme risque en ce moment de voir la grossesse tomber. Plus le cerclage est fait tôt, plus il tient. Car, il faut le dire, il y a des cerclages qu’on fait mais qui ne tiennent pas.
Comment se fait techniquement le cerclage ?
Le cerclage est une opération qui se fait avec un fil vendu à la pharmacie. On s’en sert, en gros, pour attacher le col, en faisant des nœuds, au cours d’une opération.
Les femmes ont-elles accès à cette opération lorsqu’elles en ont besoin ?
D’abord, il faut dire que de nombreuses femmes sont livrées à elles-mêmes, parce qu’elles ne sont pas suivies par des gynécologues. Le temps de comprendre qu’elles ont besoin d’un cerclage, il est souvent trop tard. Ensuite, il y a celles que nous avons sensibilisées à faire le cerclage, mais qui ont refusé. Beaucoup parmi ces dernières également ont perdu leurs grossesses.
Pourquoi refuser de faire le cerclage ?
Pour des raisons financières et des questions de pratique. Le cerclage n’existe quasiment pas dans le service public. On n’a même pas le temps de faire toutes les césariennes, avec la gratuité de la césarienne. Quel temps prendre alors pour s’occuper d’une femme qui nécessite une opération de ce type ? C’est l’une des raisons pour lesquelles, les femmes vont faire le cerclage dans le privé. Une intervention qui revient chère. Sans entrer dans les détails, il faut savoir que rien que le fil de cerclage coûte 50.000 FCFA. Les femmes qui n’ont pas de moyens préfèrent tourner le dos à cette pratique.
Y a-t-il des cas de mortalité pour ces femmes qui ont besoin de cerclage ?
Oui. Car, lorsque la femme perd son bébé, ce que nous appelons l’avortement, il y a des saignements qui accompagnent. Et si elle n’est pas très vite prise en charge, la femme peut y rester après une anémie sévère.
Il y a eu un cas similaire au centre hospitalier universitaire (CHU) de Cocody, en avril 2021, où une femme a perdu ses jumeaux…
Oui, c’était un cas qui nécessitait un cerclage. On ne pouvait plus sauver les enfants. Il fallait songer à sauver la femme. Mais, ce qu’on a omis c’est d’expliquer aux parents qu’on ne pouvait plus rien faire pour garder la grossesse.
Dans ce cas précis, pourquoi la famille n’a-t-elle pas fait le cerclage ?
Il faut savoir que la famille a été sensibilisée à faire le cerclage. Nous ne savons pas pourquoi cela n’a pas été fait. Ce que nous avons compris, c’est qu’au dernier moment, on a voulu faire un cerclage, mais il était trop tard. Nous demandons aux femmes enceintes de fréquenter les hôpitaux. Il n’y a que le médecin seul qui peut les prémunir d’un avortement.
Interview réalisée par Raphaël Tanoh
