Emploi: Pourquoi les jeunes devraient s’intéresser à l’agriculture

par NORDSUD
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C’est un point commun à la majorité des générations de bacheliers ivoiriens. En frappant aux portes des études supérieures, les nouveaux étudiants ont généralement en ligne de mire les filières qui débouchent sur des carrières (juridiques, économiques, littéraires) stéréotypées dans l’imagerie populaire comme des gages de réussites sociales. Jetés aux oubliettes ou placés sur la liste noire des filières ‘’de villageois, dénués de prestiges, qui salissent les mains’’, les curricula des formations supérieures en agriculture sont royalement ignorés par les étudiants qui entament leurs parcours universitaires. Un non-sens.

Une orientation au hasard qui tombe pile pour Marie-Paule

Excepté un nombre restreint de bacheliers conseillés par leurs parents ou passionnés par la chose agricole, certains pensionnaires des instituts de formations en agriculture y ont été affectés par défaut, au petit bonheur de la chance par les services d’orientations de l’enseignement supérieur. C’est le cas de notre interlocutrice du jour, Okri Marie-Paule. Étudiante en agriculture, elle a fait les frais de cette orientation au pifomètre. Après avoir décroché le précieux sésame, son ambition d’embrasser un cursus académique juridique afin de devenir avocate a fondu comme neige au soleil. Du fait de ses brillants résultats en science, elle a été orientée en Agronomie en lieu et place du Droit. Un cauchemar. Toutefois, se souvient-elle : « Au premier jour de classe, j’ai aimé les matières parce que c’était les SVT, Physiques-Chimie et c’était très pratique. Donc c’est de là qu’est parti ma curiosité pour découvrir encore et encore cette filière. Finalement je m’y plais ». Auréolée d’un Brevet de technicien supérieur en agronomie, Marie-Paule poursuit son parcours en vue de franchir un nouveau cap, celui d’ingénieur en techniques agricoles.

Les rêves pleins la tête

 Aujourd’hui, elle a fait ses adieux au droit, une croix sur la toge d’avocat. Elle vit un rêve éveillé dans le monde agricole. « Je suis vraiment satisfaite. Je ne changerai pour rien au monde ce que je fais.  Parce que j’arrive à m’auto-employer et à permettre à d’autres personnes de s’auto-employer. Je me dis qu’à partir de cette filière, je peux apporter beaucoup plus à mon pays. A la fin de ma formation, je compte créer une ferme du standard de la ferme Songhai au Bénin », nous confie-t-elle tout en reprenant à demi-mots, l’adage du père fondateur de la nation ivoirienne, Félix Houphouët Boigny : « le succès de ce pays repose sur l’agriculture ».

Lire également: Zondé Zoko Stéphane (Synapoci): «Les opportunités d’emploi de l’agriculture»

D’ores et déjà active sur le marché de l’auto-emploi, Marie-Paule dispense en sus, des formations aux agriculteurs en milieu rural sur ‘’ l’agriculture écologique, la confection des engrais et pesticides organiques, le calendrier cultural qui désigne les cultures à faire selon les saisons, la transformation et la conservation des produits’’ en collaboration avec des institutions ou par bénévolat. Sur les réseaux sociaux, elle est droite dans ses bottes. « Je fais des publications sur l’agriculture pour amener les gens à se pencher sur une partie de notre souveraineté qui est la souveraineté alimentaire. J’aimerais pouvoir susciter des vocations chez les plus jeunes. Aux nouveaux bacheliers, je leur dirai qu’il serait intéressant de se pencher vers les filières agronomiques. Elles sont très intéressantes et très pratiques, il y a beaucoup de débouchés.  Parce qu’on a besoin de techniciens, d’ingénieurs et de docteurs en agronomie », conseille-t-elle.

Les inspecteurs d’orientations tirent la sonnette d’alarme

Ce message sur l’importance des filières agricoles est dit à cor et à cri par le Secrétaire général national du Syndicat national des professionnel de l’orientation de Côte d’Ivoire (Synapoci), Zondé Zoko Stéphane : « Jusqu’à présent, les étudiants n’ont pas encore intégré le fait que l’agriculture soit une filière supérieure à part entière et c’est bien dommage ».

Expert de la question de l’orientation, il croit dur comme fer que le manque d’intérêt des étudiants pour l’agriculture est lié à l’image d’épinal qu’ils ont de cette filière. « Il faut juste que nous arrivions à passer le cap de l’agriculture traditionnelle pour arriver à une agriculture moderne qui attire la jeunesse. Aujourd’hui encore, l’agriculture est associée à l’idée de pénibilité.  Ce qui n’offre pas aux jeunes bacheliers une visibilité en termes d’attractivité », analyse-t-il.

L’association des ingénieurs agronomes de Côte d’Ivoire (AIA-CI), la clé de voute ?

L’association des ingénieurs agronomes de Côte d’Ivoire (AIA-CI) entend apporter des solutions pérennes à cette question pour l’attractivité des filières agricoles.

Membre de la commission Formation-emploi, genre et éthique de l’organisation, Alexis Kemanhon, indique que des initiatives allant dans ce sens sont en gestation. «L’association travaille actuellement sur la médiatisation des exemples de réussite dans la profession pour répondre au besoin pour les jeunes d’avoir des modèles qui peuvent inspirer confiance et servir de repères. Parce qu’ils ignorent qu’avec l’agronomie, on peut travailler dans le privé, dans l’administration publique, s’auto-employer… Nous entendons également apporter notre concours pour le renforcement des curricula de formations en Agronomie dans les différents instituts de formation. A propos de l’offre de formation, nous allons également accompagner la communication parce qu’il y a un manque criard d’information à ce sujet », souffle l’ancien directeur général de l’ex-Fonds d’extension et de renouvellement pour le développement de la culture du palmier à huile en Côte d’Ivoire. 

Sur la même longueur d’onde que le secrétaire général national de la Synop-CI, Alexis Kemanho estime que l’autre facteur qui attise la répugnance des étudiants pour l’agriculture, c’est le fait que le secteur demeure traditionnel.

Ingénieur agronome de formation, il se veut optimiste à l’analyse des efforts gouvernementaux pour la transformation structurelle de l’économie.

Selon ses dires, les indicateurs sont au vert pour que ce projet conjugué à l’appui du secteur privé permette de moderniser l’agriculture.

Et par ricochet, garantir l’attractivité de la filière, en vue de susciter des vocations chez les jeunes.

Charles Assagba

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