Exclusif. Côte d’Ivoire: Gbagbo ne rentrera pas en décembre 2020

par NORDSUD
Publié: Dernière mise à jour le 143 vues

C’est l’information principale de la semaine : Le Président Alassane Ouattara a formellement instruit les services diplomatiques de la République de Côte d’Ivoire pour remettre deux passeports ivoiriens à Laurent Gbagbo.

Ces deux titres de voyage, un passeport ordinaire et un passeport diplomatique, lui ont été délivrés chez lui, le 4 décembre 2020, à Bruxelles. L’ancien président ivoirien réside dans la capitale belge depuis son acquittement le 16 janvier 2019 par la Cour pénale internationale (CPI), en première instance pour crimes contre l’humanité.

Depuis cet épisode, qui consacre une volonté réelle d’ouverture et de décrispation du régime d’Abidjan, le Front Populaire Ivoirien – GOR (NDLR : Gbagbo Ou Rien), fidèle à sa stratégie du conflit et de la confrontation permanente, a doctement annoncé le retour de Gbagbo «en Côte d’Ivoire, au cours de ce mois de décembre 2020». C’est ce qui est inscrit dans le communiqué publié au nom de l’ex-président par son avocate et porte-parole Habiba Touré le 4 décembre 2020 à Bruxelles.

Pour rajouter à la pression, toute la galaxie des médias bleus, pro-Gbagbo, les quotidiens «Le Temps» de la seconde épouse Nadiana Bamba et «La voie Originale» proche de la première épouse Simone Gbagbo, se sont mis en branle pour annoncer des préparatifs pour un accueil et mobiliser l’opinion. Le retour supposé de Gbagbo en Côte d’Ivoire ce mois de décembre 2020 est même déjà présenté comme «le cadeau de Noël» fait aux militants du FPI.

Tout se passe comme si l’opposition ivoirienne, après les mots d’ordre de boycott actif, de désobéissance civile et de Conseil national de transition, avait trouvé dans cet hypothétique retour, un nouvel exutoire pour galvaniser et donner un autre souffle à la contestation contre le pouvoir.

Sauf que Gbagbo ne rentrera pas en Côte d’ivoire «en ce mois de décembre 2020». A moins d’un cataclysme. Pour des raisons simples.

D’abord la justice. La justice internationale au premier chef. La Cour pénale internationale a certes modifié les conditions de la  libération de Laurent Gbagbo. Il n’en demeure pas moins qu’après l’acquittement surprise de Laurent Gbagbo, la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a fait appel de cette décision le 16 septembre 2020. La requête a été examinée le 22 juin dernier. Et la décision de l’opportunité de l’ouverture d’un procès en appel est en attente, en délibéré. Et rien pour l’heure n’indique que l’affaire sera vidée avant la fin de cette année.

La justice nationale en second. Laurent Gbagbo est poursuivi et condamné en Côte d’ivoire pour l’affaire dite du braquage de l’agence nationale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest  (Bceao) ainsi que de plusieurs banques commerciales pendant la crise post-électorale de 2010. Il a été condamné, lui-même, ainsi que trois de ses ex-ministres et son Premier ministre de l’époque, Gilbert Aké-Gboh, à 20 ans de prison ferme et 329 milliards de francs CFA  d’amende, à l’issue d’une procédure qui a duré trois ans, du 7 juillet 2015 au 18 janvier 2018. A moins d’une grâce présidentielle rondement négociée au nom de la cohésion sociale, un retour éventuel de Gbagbo dans ces conditions le mènerait de nouveau à la case prison.

Gbagbo voulait provoquer son retour forcé

Ensuite la politique. Le retour de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire est absolument subordonné- comme indiqué plus haut- à un accord des autorités ivoiriennes et donc au feu vert du Président Alassane Ouattara. Et les frontistes le savent. D’ailleurs, le secrétaire général du FPI-GOR, le Docteur Assoa Adou,  a été instruit par Laurent Gbagbo pour «demander aux autorités ivoiriennes d’étudier avec diligence les conditions du retour de Laurent Gbagbo en terre ivoirienne…». Et la position du Président de la République de Côte d’Ivoire est connue au moins depuis le 28 octobre 2020, notamment  au cours d’une interview avec nos confrères de France 24 : «Mon intention est que Laurent Gbagbo rentre dans des conditions normales. Il faut attendre après la décision d’appel de la Cour pénale internationale. Après, il y a les condamnations ici, en Côte d’Ivoire… », avait-il expliqué.

Enfin la sécurité publique et la stabilité du pays. Le mois de décembre est particulièrement scruté par toutes les administrations ivoiriennes depuis la chute du régime d’Henri Konan Bédié…un certain 24 décembre 1999. Le retour programmé de Guillaume Soro le 23 décembre 2019 avait été avorté dans une atmosphère particulièrement confligène l’an dernier.

Certaines voix s’élèvent donc au sommet du gouvernement pour considérer que le FPI-GOR veut, par sa propagande, pousser au conflit.

Des sources parfaitement crédibles indiquent même, qu’après la remise de ses passeports à Bruxelles le vendredi dernier, Laurent Gbagbo avait nourri l’idée et même la décision d’un retour par la  force, sans l’aval du Président Ouattara. Il prendrait donc l’avion et se présenterait à l’aéroport pour consacrer le fait accompli. Les facilitateurs officieux et bénévoles, qui spontanément travaillent au rapprochement entre les deux parties depuis des mois, l’en ont dissuadé. In extrémis.

La doctrine au sommet de l’Etat est donc très claire : Le retour de Laurent Gbagbo doit être ordonnée. Il n’est absolument pas question qu’il vienne perturber la quiétude des victimes des crises successives et celle plus générale des Ivoiriens.

Laurent Gbagbo rentrera donc en Côte d’Ivoire. Mais pas dans l’immédiat. Le temps de laisser le pays s’y préparer.

Imane Amel Fatima

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