Congés anticipés à l’école : Qui se cache derrière les troubles ?

par NORDSUD
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En 2019, plusieurs élèves ont été victimes des troubles à l’école orchestrés pour précipiter les congés de fêtes de fin d’année. Alors que le mois de décembre approche, la résurgence du phénomène inquiète.

L’année dernière, le Comité des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire (Ceeci) a mené une enquête de terrain pour tenter de comprendre le phénomène des congés anticipés qui gangrène l’école ivoirienne.  

«Nous avons infiltré des groupes d’élèves. Et nous avons constaté que ce sont des élèves de certaines écoles qui demandaient à leurs camarades de venir perturber les cours, afin qu’ils aillent en congés tôt», relate Hamm Ousmane, alias national Kim, responsable communication du Ceeci.

Parmi les personnes envoyées pour déloger, explique-t-il, figurent des individus déscolarisés. «Il y a certaines écoles où c’est à moto que les gens viennent perturber», signale-t-il. Et d’ajouter : «ce ne sont même pas des élèves». 

Afin de pallier le problème, le secrétaire général du Ceeci, Karamoko Traoré, explique qu’ils ont initié des séances de sensibilisation dans les établissements. «L’année dernière, il y a eu des perturbations dans certaines écoles, mais la majorité des établissements situés dans la zone de Bouaké ont fonctionné normalement, jusqu’à la date exacte des congés de fêtes de fin d’année», fait-il remarquer.

Trois morts

Les villes comme Korhogo sont restées les bons exemples. Pour le Ceeci, c’est Abidjan et l’Ouest du pays qui sont beaucoup plus enclins au phénomène des congés anticipés. «C’est la zone de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci)», souligne Karamoko Traoré.

On se souvient qu’en décembre 2019, l’école ivoirienne a été secouée par des violences dues aux congés anticipés. En une semaine, l’on a déploré trois morts. A Anyama, un élève en classe de 3ème a été assassiné, tandis qu’à Daloa, c’est un élève de terminale qui perdait la vie, égorgé pour avoir voulu s’interposer entre les perturbateurs et ses camarades. À Dimbokro, on a également dénombré un mort.

Quantum horaire

Landry Guero, responsable de communication de la Fesci, pense que la question des congés anticipés doit être traitée beaucoup plus tôt dans l’année.

«La Fesci, chaque année, descend dans les écoles pour sensibiliser. L’année dernière, nous l’avons fait dans de nombreux établissements scolaires. Il y a des zones, comme Séguela où la Fesci n’a pas pu intervenir. Hormis cela, nous sommes descendus dans les écoles pour demander à nos camarades de cesser de perturber les cours. Nous avons inscrit cela dans le cadre de la lutte pour le respect des quantum horaires», explique ce jeudi Landry Guero.

Cependant, ajoute la Fesci, lorsque la campagne débute, il est déjà trop tard. «Les écoles sont perturbées à partir de mi-décembre. Il faut donc commencer la sensibilisation très tôt», préconise-t-il.

Jérôme Ourizalé, secrétaire général du Syndicat autonome de l’enseignement public de Côte d’Ivoire (Saeppci), parle de désintérêt vis-à-vis de l’école. «Ce qui arrive est un phénomène qui a débuté, il y a environ quatre ans. Aujourd’hui, on voit des gens arriver avec des armes blanches à l’école pour déloger des élèves. Cela montre le désintérêt que ces derniers ont pour l’école. C’est ce qui nous inquiète», regrette Jérôme Ourizalé. Pour lui, l’amour de l’école commence à la maison, par l’implication des parents.

Problème transversal

Mais cela suffit-il ? Pour Edouard Aka, président de l’Union nationale des parents d’élèves et d’étudiants de Côte d’Ivoire (Unapeeci), c’est un problème transversal qui demande l’implication de tous les acteurs. «Lorsque la Fesci descend par exemple pour sensibiliser dans les écoles, il ne faut pas leur dire qu’ils sont interdits dans les collèges et lycées. Il faut les laisser agir», signale le président de l’Unapeeci.

L’année dernière, la ministre de l’Education nationale, de l’enseignement technique et de la formation professionnelle, Kandia Camara, est sortie de sa réserve pour tirer la sonnette d’alarme.

Elle avait annoncé des sanctions et des poursuites judiciaires contre les auteurs de ces troubles. «Tous les enfants qui ont commis ces actes seront radiés de toutes les écoles publiques et privées de Côte d’Ivoire», avait mis en garde Kandia Camara.

Mais sur le terrain, les sanctions sont difficiles à mettre en œuvre. En 2018, par exemple, plusieurs fauteurs de troubles ont été arrêtés à Oumé, après les perturbations de cours. «Mais ils ont été relâchés, parce que les élèves menaçaient de manifester. De plus, les parents sont venus plaider», explique un enseignant du Lycée moderne d’Oumé.

En clair, pour les élèves comme pour les autorités, le phénomène des congés anticipés est une hydre dont il fallait plutôt éviter la croissance. Parce qu’il est difficile à combattre, à présent.

Raphaël Tanoh

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