Interview croisées/ Cautions, avances, etc.: Locataires et propriétaires s’accusent mutuellement

par NORDSUD
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Le contrat sécurisé de bail à usage d’habitation, dont le but ultime est de mieux encadrer les rapports entre propriétaires et locataires en matière d’accès au logement locatif, vient d’être mis en vente pour mettre fin aux multiples conflits entre les deux parties. Mais, les deux camps soulèvent des insuffisances dans le document et s’accusent mutuellement.

Sanogo Yaya, président de l’Union nationale des locataires de Côte d’Ivoire: «La plupart des bailleurs de maisons sont véreux »

Quel regard jetez-vous sur le nouveau contrat sécurisé de bail à usage d’habitation ?

Nous étions présents à la cérémonie de lancement du contrat sécurisé de bail à usage d’habitation en Côte d’Ivoire. Cette initiative est salutaire pour les locataires mais il demeure un vide juridique à combler. Par exemple, la question du pourcentage d’augmentation des loyers en plein contrat de bail n’est pas dressée dans le document. On dit juste qu’on peut augmenter le loyer trois ans après le dernier contrat de bail. Le bailleur a donc toute la latitude de choisir le nouveau coût aux dépens du locataire.

Pensez-vous que cette initiative du ministère du Logement règlera l’épineuse question des mois de cautions ?

A propos des mois de caution et d’avance, le nouveau contrat est tout autant clair que les précédentes réglementations. Certes, la plupart des bailleurs sont véreux. Ils peuvent faire signer au locataire un contrat qui stipule qu’il paiera deux mois de caution et deux mois d’avance. Mais dans l’ombre, ils lui font payer beaucoup plus sans le mentionner dans le document de bail. Le locataire est obligé de se plier à une telle magouille, sans quoi, il ne pourra pas obtenir de maison au vu de la concurrence et du grand besoin. Quand vous refusez de céder, un autre vient prendre la maison sous vos yeux. Ils font de la surenchère parce qu’il y a plus de demandes que d’offres.

Avez-vous une solution à proposer pour endiguer ce phénomène et les autres problèmes qui meublent les relations locataires-bailleurs ?

Je propose deux options pour résoudre efficacement les deux problèmes susmentionnés. D’emblée, il faudrait que le ministère du Logement ait un numéro vert qu’on puisse saisir au besoin, pour signaler ces abus récurrents. Aussi, je propose la création d’un cadre juridique pour régler les conflits entre bailleurs et locataires. Parce qu’actuellement, le locataire ne sait pas chez qui se plaindre sans risquer d’avoir de gros soucis avec son bailleur. Il n’est pas suffisamment protégé juridiquement, le bailleur peut lui faire subir des représailles (augmentation inopinée du loyer, renvoi sous des prétextes fallacieux), s’il le poursuit en justice.

La place donnée aux agences immobilières et aux démarcheurs vous paraît-elle claire et fiable ?

Nous plaidons pour que le coût de leurs prestations soit revu à la baisse. Généralement, ce sont les locataires qui leur versent un mois de loyer. Ce serait bien qu’on revoie ce tarif à la baisse. Quoiqu’aucune partie de la nouvelle loi n’en parle pas, à ma connaissance.

Ouattara Drissa, secrétaire général de l’Association nationale des propriétaires immobiliers de Côte d’Ivoire:  

«C’est avec la complicité des locataires que les propriétaires agissent»

Le nouveau contrat sécurisé de bail à usage d’habitation vous sied-il ?

Le contrat sécurisé de bail à usage d’habitation tel qu’établi par notre ministère de tutelle apporte une solution à certains problèmes, mais la question des relations locataires-bailleurs implique beaucoup d’autres paramètres qui n’ont pas été pris en compte. La caution par exemple a été fixée à deux mois au lieu de 3 dans la loi précédente, ça ne nous arrange pas mais on essaiera de se soumettre.

On vous accuse d’augmenter les cautions et avances…

Des bailleurs véreux existent. Je crois que c’est la complicité du locataire qui permet que cela puisse prospérer. Si les locataires agissent d’un commun accord en refusant tous azimuts des machinations visant à leur faire payer beaucoup plus que ce que la loi demande, les locataires seront obligés de se plier. C’est la seule solution. L’intervention du ministère ou les numéros verts ne pourront pas résoudre le problème. Parce qu’il faudra apporter la preuve, si les opérations se déroulent dans l’ombre, il sera difficile de prouver que le bailleur est vraiment en porte-à-faux avec la loi ou qu’il a demandé beaucoup plus.

Que proposez-vous pour éviter les palabres avec les locataires ?

Pour l’instant, le nouveau contrat ne dit pas par exemple à hauteur de quel pourcentage on peut augmenter le loyer après 3 ans. L’ancienne loi stipulait que la hausse ne devrait pas excéder 10 à 15%. Généralement, on essayait de nous aligner sur les tarifs en vigueur dans la zone pour les augmentations. Pour palier ce vide juridique, on pourrait copier l’exemple de certains pays de la sous-région qui fixent un tarif au mètre carré dans chaque zone géographique pour les maisons. Si les locataires, les bailleurs et le ministère s’asseyent à une table de discussion sur ce sujet, on pourrait adopter un tel système qui arrangerait tous les acteurs.

Quelle place accordez-vous aux agences immobilières et aux démarcheurs ?

C’est une autre paire de manche. Le cas de ces derniers n’est pas pris en compte dans le nouveau contrat. Il y a quasiment une absence de textes sur la question de leurs rémunérations dans le nouveau contrat. Dans l’ancienne loi, ce sont les locataires qui s’en chargeaient en plus des mois de cautions.

Réalisées par Charles Assagba

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