Un an après son retour: Gbagbo, l’ombre de lui-même

par NORDSUD
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Attendu comme un prophète lors de son retour en Côte d’Ivoire, après avoir été acquitté par la Cour pénale internationale (CPI), Laurent Gbagbo provoque depuis un sentiment mitigé au sein de ses partisans.

17 juin 2021-17 juin 2022. Un an après son retour sur sa terre natale, l’engouement que suscitait l’ancien président de la République, Laurent Gbagbo, dans le cœur de nombreux Ivoiriens, semble s’être réduit comme peau de chagrin. La fête de la renaissance (pour célébrer son acquittement à la Cour pénale internationale (CPI)) a été repoussée au 31 mars 2023. Et, le Woody de Mama est hors du pays depuis un mois et demi. Fatigué ? Problème de santé ? À la recherche de financement ? Les rumeurs vont bon train à son sujet. Ceux, parmi les radicaux, qui comptaient l’installer au palais présidentiel le jour même de son retour, reviennent à la réalité. Pour eux, le nom de Laurent Gbagbo était un cri de ralliement. Hélas, aujourd’hui, il tombe peu à peu dans l’ordinaire.

Réconciliation et paix

 Mais, Gbagbo n’avait-il pas lui-même donné les couleurs de ce qu’allait suivre son retour en Côte d’Ivoire ? En effet, alors qu’une bonne partie des Ivoiriens attendait un discours et des actes orientés vers la réconciliation et la paix, le septuagénaire ouvre un front dès son arrivée ce 17 juin. L’humiliation de Simone Gbagbo au sein de l’aéroport, sera couplé à son refus de disposer du pavillon octroyé par les autorités pour son accueil. Simple maladresse due à la fatigue du voyage ? Non. Car depuis, le fils de Mama a plutôt laissé dans son sillage un sentiment mitigé. On a tantôt vu le Gbagbo « soldat », lorsqu’il est reçu à l’ancien siège du Front populaire ivoirien (FPI) par ses partisans.

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Il y a eu le Gbagbo déterminé à régler ses comptes, dans l’interview qu’il a accordée dans la foulée de son retour en Côte d’Ivoire. Et dans laquelle il clame : «Je ne suis pas là pour demander pardon». Et puis, il y a le Gbagbo qui ne veut pas oublier ce qu’il a subi, lors de son arrestation en 2010. Celui-là même qui a «gagné» les élections présidentielles de 2010. L’ancien président n’a cessé de rappeler, dès son retour à Mama, les 27 et 28 juillet 2021 ou pendant son passage éclair à Duékoué, dans le cadre d’une grande tournée dans l’ouest du pays, le 8 avril ou encore dans son discours à Guiglo le 7 avril, qu’il a été «dégagé», parce qu’il «dérange».

Revanchard

Est-ce un Gbagbo revanchard et sclérosé dans le passé qui est revenu dans les bras des Ivoiriens ? La question divise. Quand il demande la paix à ses partisans, pourquoi cela ne ressort-il pas dans ces actes ? À Guiglo, le 8 avril 2022 : «(…) Séchez vos larmes et proposez aux Ivoiriens la paix». À Mama le 5 février 2022: «Celui qui fait un coup d’État constitutionnel, je ne suis pas son ami».

Bref, ce Woody de Mama là n’est pas le même que celui avant la crise post-électorale de 2010. Beaucoup l’ont compris. La rencontre historique du 27 juillet 2021 avec le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, semblait pourtant avoir redonné quelques brins d’espoir aux plus optimistes. Même si Laurent Gbagbo s’y était plutôt attardé sur la libération des prisonniers. Mais, près d’un an après, les rapports avec le pouvoir en place ne sont pas au beau fixe. Quand il le peut, Laurent Gbagbo allume une mèche. Et cela, malgré le dialogue politique auquel son parti prend part.   

Pascal Affi N’Guessan

Les rapports avec des anciens cadres de son parti sont également partis en vrille. Il est obligé d’abandonner le Front populaire ivoirien (FPI) à Pascal Affi N’Guessan, qui ne le voit plus comme un mentor, mais comme un obstacle.  Charles Blé Goudé s’est déjà affranchi de lui et nourrit des ambitions politiques. La rupture avec Simone Gbagbo est consommée. Chacun de ces leaders a grignoté des voix au sein de ses partisans. Entre-temps, le Parti des peuples africain-Côte d’Ivoire (PPA-CI), que Laurent Gbagbo a créé en octobre 2021, a besoin de temps pour s’implanter et donner une orientation claire à des militants qui ne savent plus que penser de toute cette guéguerre.

Gbagbo peut néanmoins se targuer d’avoir à ses côtés un allié de poids : le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci). Ils étaient ennemis jurés en 2010, lorsque Henri Konan Bédié apportait son soutien à Alassane Ouattara pendant la présidentielle. Aujourd’hui, Laurent Gbagbo et Bédié se disent «frères» et «alliés». C’est tout sourire, main dans la main, que le Sphinx de Daoukro a reçu le 10 juillet 2021, l’ancien pensionnaire de la Cour pénale internationale (CPI). Une alliance de dupes ? Il faut dire que l’électorat de base de Gbagbo n’a jamais pardonné à Henri Konan Bédié son soutien en 2010 à Alassane Ouattara. Mais, c’est déjà ça.

Règlement de sa rente viagère ; divorce avec Simone Gbagbo ; assainissement de son parti, leadership au sein de l’opposition, recherche de financement, etc. C’est peu dire : Le retour de Laurent Gbagbo à l’opposition ne rappelle pas le bon vieux temps.

Raphaël Tanoh

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